Saint Laurent Blangy, le 17 Juillet 2012
Monsieur le Président de la République
Palais de l'Elysée
55, rue du faubourg Saint Honoré
75008 Paris
Monsieur le Président de la République,
C'est dans un contexte grave pour la chasse française que je prends la plume pour vous exposer clairement le mécontentement de mes chasseurs. Le Pas-de-Calais demeure aujourd'hui un département d'une richesse en matière de biodiversité et de petite faune sédentaire naturelle, exceptionnelle sur le plan national. Notre richesse floristique et faunistique ne trouve sa genèse que dans l'action menée par une ruralité impliquée, respectueuse de son héritage environnemental qui depuis des dizaines d'années a su faire face, avec acharnement et motivation, au bétonnage et à l'industrialisation galopante qu'a subi cette région.
A cette époque, Monsieur le Président, nous n'avions jamais entendu parler d'écologisme idéologique, et c'est tout naturellement que des générations de ruraux transmirent leurs valeurs de respect et de gestion, sans jamais imaginer que ce vaste savoir deviendrait un jour un puissant lobby politique dans des mains peu scrupuleuses. Cette manière de vivre et d'agir nous a toujours été dictée par les pères de nos pères, et ceci pour le bien de toute la collectivité.
Malheureusement, les choses ont bien changé depuis quelques temps, et aujourd'hui le simple port d'une boutonnière verte transforme facilement une catégorie de personnes, en « grands sachant » de la nature, et en de puissants donneurs d'ordres et de leçons, à des personnes qui pourraient aisément leur faire la classe pendant vingt ans sur ce sujet. En d'autres termes, culpabiliser la société, se nourrir de ses regrets et de ses remords vis à vis de la nature, voilà comment se définit en langage politique l'action de ces écologistes urbains qui vendent l'antidote de l'apocalypse vert, là où tout se passe bien par notre présence et nos actions. La chasse française, sentinelle légitime et compétente de l'écologie et de la biodiversité, n'a jamais attendu les éclairages idéologiques pour savoir comment comprendre, gérer et soigner la nature.
Aujourd'hui, Monsieur le Président, une majorité de Français vous ont porté à la tête de ce grand pays qu'est la France. Vous avez, mieux que personne, compris ô combien les électeurs impliqués dans ces valeurs pouvaient être déterminants dans la quête du pouvoir qui fût la vôtre il y a quelques semaines. Vos propos rassurants, comme votre attachement personnel aux valeurs de la chasse furent souvent cités dans notre microcosme, comme une garantie probable de construire un avenir serein pour notre ruralité. Je vous rappelle également certains de vos écrits qui attestèrent que si la chasse pouvait argumenter scientifiquement de sa légitimité, elle serait comprise et soutenue.
Force est de constater, Monsieur le Président, que ces paroles et ces écrits ne semblent pas être suivis au sein même du gouvernement que vous venez de nommer il y a quelques semaines. Au mépris de votre feuille de route, votre Ministre de l'écologie vient de prendre brutalement des décisions contraires à nos valeurs et à votre pensée, sans d'autres arguments que ceux d'une approche politique de ce dossier.
Les listes des nuisibles départementaux viennent d'être largement amputées de leurs contenus, au mépris des dossiers scientifiques que nous avons rendus à l'Etat, au mépris des jurisprudences rendues par la justice ces dernières années, au mépris du respect et des connaissances de la ruralité, comme au mépris d'ailleurs de la volonté affichée des maires ruraux de tous les départements de France. Je vous informe qu'une pétition pour le soutien de cette liste complète est en circulation dans mon département comme d'en d'autres, et qu'à ce jour pour le Pas-de-Calais, déjà plus de 830 maires sur 895 nous ont apporté leur total soutien, bien au-delà de toutes les étiquettes politiques, reconnaissant ainsi mieux que personne la légitimité de notre gestion.
Je porte également à votre connaissance qu'une proposition émanant du Ministère de l'Ecologie au dernier CNCFS, souhaite retirer la chasse de la bernache du Canada au mois de février. La chasse des oiseaux d'eau semblerait confrontée à une volonté de réduction de la période de chasse, comme du nombre des espèces chassables sur des arguments essentiellement politiques. J'ajouterai également à cette liste, déjà bien longue au goût des chasseurs, la volonté non dissimulée de la part de vos alliés politiques de définir à nouveau un jour de non chasse, avec une grande préférence pour le dimanche bien sûr!
Ces attaques politiques contre la chasse sans fondements scientifiques, sont totalement injustifiées tout comme les premières décisions prises par votre Ministre sur le dossier « nuisibles » national. La colère de la ruralité n'est plus aujourd'hui montante, mais totalement présente et pressante.
Monsieur Le Président, vous qui portez la charge de la justice et de la cohésion sociale au sein même de notre république, vous qui incarnez le scrupuleux respect de la loi et des droits des citoyens, et vous qui engagez systématiquement votre personne dans l'application de la politique gouvernementale, je vous sollicite avec une grande urgence pour que vous puissiez mettre un terme à cette dérive avant qu'il ne soit trop tard. Le maintien d'une telle décision de la part du ministère de l'écologie, ne peut à l'évidence qu'être le catalyseur principal d'une réaction sociale imminente. Bien que n'étant que Président de fédération de chasseurs, et n'ayant à ce titre qu'une capacité d'analyse réduite de la situation sociale et économique de notre pays, je ne comprends pas cette décision dogmatique et sectaire, à un moment où les français vont connaître des heures très noires dans le maintien de leur niveau de vie. La chasse, la pêche, l'agriculture, et toutes les activités rurales de notre terroir sont autant de force pour permettre à chacun de rester socialement intégré dans un contexte économique qui deviendra source de tensions dans les mois et les années qui viennent.
Laissez s'il vous plaît, Monsieur le Président, les ruraux agir en votre nom sur leurs territoires, et vous constaterez très vite que nos compétences sont bien supérieures à toutes ces théories vertes, dogmatiquement contraires à vos valeurs et aux nôtres, comme vous avez pu le constater auprès des chasseurs corréziens depuis de nombreuses années.
Monsieur le Président, il vous reste quelques jours pour remettre « l'église au milieu du village », comme on dit chez moi. Dans le cas où les choses resteraient en l'état, donnant raison à une décision politiquement, scientifiquement et juridiquement infondée, le doute qui s'est installé dans l'esprit de ces millions de ruraux qui croient en vous, prendra irrémédiablement la forme d'une incompréhension vis-à-vis de votre politique environnementale et sociale.
Monsieur le président, ne laissez pas certaines personnes faire de nous des parias et des pilleurs de la nature, ce que nous ne sommes pas. La chasse gestion, comme nous la pratiquons aujourd'hui, n'a jamais détruit d'espèces ou de territoires, bien au contraire. Ne cautionnez pas la mise sous cloche de la nature, ni la mise sous tutelle de la chasse. Ne laissez pas quelques personnes ouvrir un clivage politique entre vous et nous et donner ainsi raison à ceux qui pensent que le gouvernement incarne une France urbaine, à des kilomètres de nos préoccupations et de nos problèmes.
Je vous renouvelle également ma volonté de vous accueillir rapidement à la Fédération des chasseurs du Pas-de-Calais, en présence de députés et sénateurs ruraux du Pas-de-Calais, afin que nous puissions vous éclairer sur notre gestion de l'ensemble de la faune et de la flore, et vous prouver que c'est à nous et à nos partenaires que revient la lourde tâche de gérer la nature avec intelligence et compétence, comme nous l'avons toujours fait. Le temps est d'ailleurs venu d'inscrire à jamais ces compétences et ce droit dans notre constitution.
Veuillez recevoir, Monsieur Le Président, mes sincères salutations.
Willy SCHRAEN
Président de la Fédération des Chasseurs du Pas-de-Calais
Copie : - Monsieur le Premier Ministre
- Madame le Ministre de l'écologie
- Monsieur le Ministre Délégué des Transports, de la Mer et de la Pêche
- Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale
- Monsieur le Président du Sénat
- Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Chasseurs
- Mesdames et Messieurs les Députés du Pas-de-Calais
- Mesdames et Messieurs les Sénateurs du Pas-de-Calais
- Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais
- Monsieur le Président du Conseil Régional
- Monsieur le Président du Conseil Général
- Les chasseurs du Pas-de-Calais (par mail)