ANNULATION DE L'ARRETE DU 3 Février 2012 permettant le prélèvement des oies entre le 1er et 10 février dans un cadre scientifique.
Conseil d'État
N° 356464
ECLI:FR:CESJS:2012:356464.20121107
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
Mme Christine Maugüé, président
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 7 novembre 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 6 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), dont le siège est 10, rue de Haguenau à Strasbourg (67000) ; l'Association pour la protection des animaux sauvages demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 février 2012 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif au prélèvement autorisé de l'oie cendrée, de l'oie rieuse et de l'oie des moussons au cours du mois de février;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2012, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Vu la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ;
1. Considérant que l'arrêté attaqué du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement en date du 3 février 2012 autorise des prélèvements de l'oie cendrée, de l'oie rieuse et de l'oie des moissons au cours du mois de février 2012 ; que cet arrêté dresse à son article 1er une liste de treize départements dans lesquels ces prélèvements sont autorisés aux fins d'études scientifiques sur l'origine et les déplacements migratoires des populations des diverses espèces d'oies ; qu'il fixe par ailleurs à son article 3 des prélèvements qui sont limités à quinze oies par département pour la période du 1er au 10 février 2012 ; que ses articles 4 à 8 organisent les modalités de contrôle de ces prélèvements ; que l'Association pour la protection des animaux sauvage en demande l'annulation ;
Sur l'intervention en défense présentée pour la Fédération nationale des chasseurs :
2. Considérant que la Fédération nationale des chasseurs participe, en application des articles 6 à 8 de l'arrêté attaqué, au dispositif de contrôle des prélèvements d'oies autorisés ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt au maintien de l'arrêté attaqué par l'Association pour la protection des animaux sauvages ; que, par suite, son intervention en défense est recevable ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Fédération nationale des chasseurs :
3. Considérant que l'Association pour la protection des animaux sauvages, titulaire d'un agrément au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, justifie en application de l'article L. 141-2 du même code d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément ; que l'arrêté qu'elle attaque autorise le prélèvement d'oiseaux sauvages, pour la protection et la réhabilitation desquels l'association requérante agit, en vertu de l'article 2 de ses statuts ; que cet arrêté est intervenu après la date de son agrément ; que, par suite, l'Association pour la protection des animaux sauvages justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Considérant qu'en vertu de l'article 9 § 1 de la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, les Etats membres peuvent déroger à l'objectif de protection complète de toutes les espèces d'oiseaux sauvages, tant pour la période nidicole et les différents stades de reproduction et de dépendance que pour le trajet de retour des espèces migratrices vers leur lieu de nidification, posé par l'article 7 § 4 de cette directive à condition " qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante " et pour les motifs énumérés aux " a ", " b " et " c " ; que la dérogation est admise, selon le b, " pour des fins de recherche et d'enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l'élevage se rapportant à ses actions " ;
5. Considérant, que pour la mise en oeuvre de cette dérogation, l'article L. 424-2 du code de l'environnement a prévu que des dérogations aux règles résultant des dates de clôture de chasse pourront être accordées " pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux migrateurs terrestres et aquatiques en petites quantités, conformément aux dispositions de l'article L. 425-14 " ; que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les prélèvements aux fins d'études scientifiques autorisés par l'arrêté attaqué ne s'inscrivent dans aucun programme de recherche, et notamment pas dans le programme d'amélioration des connaissances sur l'oie cendrée en France lancé en 2010 et coordonné par l'Office national de chasse et de la faune sauvage ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existerait pas d'autre solution satisfaisante que des prélèvements par tir pour améliorer les connaissances sur l'origine et les déplacements migratoires des diverses espèces d'oies en cause ; qu'il suit de là que le ministre chargé de la chasse a fait une inexacte application de l'article L. 424-2 du code de l'environnement en autorisant, par l'arrêté attaqué, les prélèvements contestés en l'absence de tout intérêt scientifique ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que l'Association pour la protection des animaux sauvages est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros à verser à l'Association pour la protection des animaux sauvages, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de la Fédération nationale des chasseurs est admise.
Article 2 : L'arrêté du 3 février 2012 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à l'Association pour la protection des animaux sauvages une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Association pour la protection des animaux sauvages, à la Fédération nationale des chasseurs et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.