FNC : Le programme du Président… et des présidentiables
La FNC recevait hier à l’occasion de son assemblée générale, et devant une forêt de caméras et de micros, les candidats à la présidence de la République ou leurs représentants
Ce 14 mars était pour Willy Schraen un baptême du feu, puisqu’il présidait sa première assemblée générale de la Fédération Nationale des Chasseurs. Son rapport moral a tracé les axes de la politique et du programme souhaités pour la chasse française :
- promouvoir une nouvelle vision de la nature, de la chasse et de leur gestion ;
- optimiser les structures en charge de l’environnement et de la chasse et rééquilibrer la gouvernance de la nature ;
- répondre aux nouvelles menaces sanitaires, sécuritaires ou « welfaristes » ;
- encourager une réforme des structures fédérales, de la vie associative, de la pratique cynégétique et des vocations ;
- réorienter les flux financiers de la chasse en direction des structures fédérales ;
- Impulser à la FNC une logique d’entreprise « avec un chef, une équipe, une stratégie et un programme partagés ».
C’est aussi une fédération nationale plus en synergie avec les fédérations, plus militante et plus « syndicale », notamment dans sa relation avec l’administration, qu’a souhaitée le nouveau Président de la FNC.
La modification des statuts fédéraux, voulue aussi par le Président Schraen, s’annonçait comme un point fort de cette assemblée générale. Modification longuement préparée puisque le président et plusieurs élus et collaborateurs avaient sillonné la France, les semaines précédant l’A.G., afin de présenter et d’expliquer cette réforme. Sans détailler tous les points soumis aux votes – 99 pour les seules fédérations départementales ! – l’objet de cette modification tient dans trois mots clés : clarifier, simplifier, renforcer les statuts et les structures fédérales de la chasse à tous les échelons.
La réforme phare tient d’abord dans la modification du mandat des élus fédéraux : ils seraient élus non plus par moitié tous les trois ans, mais par liste entière et bloquée, pour 6 ans. Le Président Schraen s’en était expliqué en région.
La modification des statuts a été soumise au vote : elle a reçu l’approbation de 86,2 % des présidents (voix contre : 9,5 % ; blanc : 4,3 %). Le Président Moktar (Eure-et-Loir) qui a mené le groupe de travail chargé de la réforme, a remercié le Président Schraen qui a laissé travailler le groupe en toute indépendance. Il restera à obtenir les modifications réglementaires et législatives nécessaires : « la FNC propose, a rappelé le Président Moktar ; le ministère dispose. »
Willy Schraen a ensuite rendu un vibrant hommage à Jean-Pierre Poly qui a fait valoir ses droits à la retraite après des années à la tête de l’Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage. La grande réussite du Directeur de l’Office aura été de réconcilier les fédérations et l’ONCFS, que des contentieux financiers avaient opposé dans les années 2000.
L’après-midi a permis aux candidats à la Présidence de la République – à ceux qui avaient accepté de faire le déplacement, ou à leurs représentants – de présenter leur programme pour la chasse, l’écologie et la ruralité à partir des propositions que la FNC avait rédigées à leur intention et de rencontres en tête-à-tête avec les candidats et avec les équipes de campagne.
Intervention de François Fillon
Le premier d’entre eux, François Fillon, a résumé ses propositions dans un discours détaillé qui n’a été suivi d’aucun débat, mais qui s’est tenu en présence de plusieurs sénateurs et députés Républicains, dont Gérard Larcher, le président du Sénat :
- revoir les directives Oiseaux et Habitats, et adopter des dérogations en attendant que ces révisions soient effectives ;
- faire l’ouverture unifiée du gibier d’eau au premier samedi d’août et laisser 20 jours de chasse en février pour les oies ;
- garantir la pérennité des chasses traditionnelles et des diversités culturelles rurales ;
- créer un ministère des territoires ruraux ou des ressources naturelles ;
- favoriser des pratiques agricoles et forestières compatibles avec le développement d’une faune diversifiée ;
- partager la facture des dégâts de grand gibier avec les propriétaires privés et publics laissant trop prospérer les populations de grands animaux ; l’exclusivité des prélèvements restant aux seuls chasseurs ;
- rendre à la chasse (et donc aux structures fédérales) l’argent des chasseurs pour exercer des missions d’ingénierie, de police de proximité et de sensibilisation ;
- changer la gouvernance de l’AFB, en exclure la police de la Nature qui pourrait être harmonisée à l’échelon départemental ;
- instaurer des schémas régionaux de gestion cynégétique ;
- porter au Parlement, dès l’année prochaine, le texte permettant la modification des statuts fédéraux votée quelques heures auparavant par la salle ;
- moderniser l’examen du permis de chasser en le confiant aux fédérations
Intervention d’Emmanuel Macron
- le second intervenant, Emmanuel Macron, est venu accompagné de François Patriat. Il a commencé son discours sur sa vision de la ruralité dont la chasse est un pilier et sur l’Europe qu’il souhaite et qui doit s’occuper seulement de l’essentiel. Il a ensuite précisé sa vision de la chasse, en répondant aussi à de nombreuses questions de la salle.
- il propose d’être le président du développement de la chasse, en soutenant le monde associatif fédéral, le bénévolat, en facilitant l’accès à la chasse et en assurant la promotion du tourisme chasse et la commercialisation de la venaison par des circuits courts.
- Emmanuel Macron dénonce l’excès des normes et prévoit un budget de 200 millions d’euros par an pour rémunérer les services environnementaux des agriculteurs et des chasseurs, alors que rien n’est prévu à ce jour.
- il a salué la mobilisation des chasseurs contre les néonicotinoïdes et a confirmé son programme agricole visant à la réduction très importante des pesticides.
- il considère comme hypocrite les annonces faites à chaque élection pour réviser les directives européennes Oiseaux et Habitats. Il plaide pour une démarche plus ambitieuse afin de faire voter une nouvelle directive sur la biodiversité qui mettra un terme aux jurisprudences actuelles, en particulier sur les dates de chasse.
- il est défavorable au transfert de la chasse au ministère de l’Agriculture, car la chasse ne sera plus une priorité. Il préfère que la chasse retrouve toute sa place au ministère de l’Environnement afin d’être influente sur toutes les politiques de biodiversité et de gestion des espèces.
- il est favorable à une réforme de l’Agence Française pour la Biodiversité, où les chasseurs doivent être représentés.
- il a confirmé que la police de la nature quitterait l’AFB pour être regroupée au sein d’un seul corps de police dont la tutelle de l’Intérieur reste à préciser et dont le financement doit faire l’objet de négociations comme nous le demandons.
- interrogé sur le droit de l’animal, il souhaite le maintien des textes en vigueur pour les animaux domestiques, sans extension aux animaux sauvages.
- interrogé sur les chasses traditionnelles, il considère qu’il faut laisser respirer les gens, que ces chasses sont un patrimoine et un art de vivre qu’il faut conserver. Pour lui, il y a beaucoup mieux à faire pour gérer ce pays que de les restreindre.
- il a précisé sans tabou qu’il faut assumer les chasses présidentielles dès lors qu’elles sont au service des relations publiques et diplomatiques de la République.
A une question technique sur les conflits forestiers-chasseurs pour la gestion du cerf, il a reconnu son ignorance sur ce sujet et promis d’y répondre ultérieurement.
Intervention des représentants des candidats
Paul Henry Hansen-Catta, représentant Marine Le Pen, a abordé à son tour les sujets préoccupant les chasseurs français.
- la chasse est inscrite dans notre histoire, et « le F.N. a dans son ADN la France des oubliés, la France rurale, qui inclue les chasseurs ».
- ouvertures et fermetures des migrateurs : ce conflit a révélé l’impuissance du monde de la chasse, malgré de gros moyens, à obtenir gain de cause. Conclusion : seule une remise en cause radicale des directives, via un référendum visant à sortir de l’Europe, permettrait à l’Etat français de recouvrer sa souveraineté.
- PAC : une réorientation vers une logique agricole française sera plus respectueuse du petit gibier.
- dégâts de gibier : la formule actuelle a vécu, il faut repenser le mode d’indemnisation reposant sur les seuls chasseurs.
- structures FDC / ONCFS / AFB : il faut récupérer la maîtrise et repenser toutes les structures. Un chantier de la gouvernance écologique, recentré sur la propriété, sera ouvert avec la FNC.
Enfin, Marine Le Pen souhaite que cesse la culture de la défiance entre le ministère de l’Environnement et les représentants des chasseurs.
Questionné sur le bien-être animal et l’attitude de certains dirigeants du F.N. qui s’affichent avec Brigitte Bardot et soutiennent l’intégralité de son programme très anti chasse, le représentant de Marine Le Pen a indiqué que le F.N. entendait faire appliquer, sans l’étendre, l’arsenal juridique existant, sur le statut de l’animal. Toutefois, il a confirmé qu’il faudrait créer une police spécialisée pour faire respecter la loi.
Charles Beauchamp, élu du Parti Communiste, est intervenu comme représentant de Jean-Luc Mélenchon. Si le Parti communiste a toujours défendu la chasse et les chasseurs – Charles Beauchamp s’est plu à le rappeler – l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon, qui affiche des positions veganistes n’est pas de nature à rassurer les chasseurs… ni les communistes.
Pour le reste, le représentant du Parti communiste souscrit à la plupart des propositions transmises par la Fédération Nationale des Chasseurs avec la rédaction d’une nouvelle loi chasse, la création d’un ministère des territoires ruraux ; la protection des zones humides ; la valorisation du bénévolat, etc.
L’absence inexplicable d’un représentant de Benoît Hamon. Malgré la mobilisation de plusieurs députés socialistes auprès de Benoît Hamon pour qu’il participe à l’AG de la FNC et l’insistance du lobbyiste de la FNC, Benoît Hamon, n’a pas souhaité venir et le staff de campagne a annoncé à plusieurs reprises qu’un représentant serait désigné. Personne ne s’est présenté sans fournir la moindre explication, ce qui est franchement incorrect. Peut-être faut-il y voir une conséquence des accords récents de Benoît Hamon avec les Verts qui ont clairement affiché leur vision « animaliste » totalement anti-chasse.
L’assemblée s’est terminée par l’intervention du représentant de Ségolène Royal. La ministre était au même moment en Guyane pour une conférence internationale.
Le représentant du ministère a beaucoup évoqué la nouvelle logique de reconquête de la biodiversité, et les opportunités offertes par l’application de la loi du même nom ; ou encore la complémentarité AFB/ONCFS. Le représentant de la ministre n’a formulé aucune annonce particulière et n’a tenu aucun compte des interpellations de la FNC faites par son président Willy Schraen le matin même. Il est apparu comme renvoyant plusieurs promesses du ministre à une étude ultérieure.
Willy Schraen a répondu à son intervention en lui faisant remarquer que rien dans son discours n’était de nature à lever les craintes des chasseurs.